[20/03/2017]    

Entretien avec Lemine Ould Mohamed Salem, journaliste mauritanien, auteur de «Le Ben Laden du Sahara, sur les traces du jihadiste Mokhtar Belmokhtar»:



«Belmokhtar est bel et bien vivant […] Il peut encore mener des opérations […] n’importe où et n’importe quand» Entretien avec Lemine Ould Mohamed Salem, journaliste mauritanien, auteur de « Le Ben Laden du Sahara, sur les traces du jihadiste Mokhtar Belmokhtar ». Editions de La Martinière. Paris, (en Librairie le 16 octobre 2014).
Vous venez de publier le premier livre consacré au chef jihadiste Mokhtar Belmokhtar. Pourquoi lui et pas un autre ?

Lemine Ould Mohamed Salem : Il ne s’agit pas que d’une enquête sur Belmokhtar. Le personnage me sert de fil conducteur pour raconter, à travers son histoire, ses actions et les rumeurs à son sujet, de retracer une petite histoire du jihadisme, des tensions et des crises, au Sahara et au Sahel, ces dernières décennies. Belmokhtar me sert, en quelque sorte, de guide, pour raconter comment le jihad moderne, initié en Afghanistan, a gagné l’Algérie, avant d’atteindre le Sahara, puis ses rivages sahéliens. J’ai découvert le personnage comme tout le monde.
J’entendis parler de lui à la fin des années 1990. Mais il ne m’a réellement intéressé qu’à partir de l’attaque contre la caserne de l’armée mauritanienne, à Lemgheyti, en juin 2005.
Quant à l’idée d’un travail sur lui, j’ai commencé à y penser vers la fin de 2010, lors d’un reportage en Mauritanie et au Mali, « Sur les traces d’Al Qaïda au Sahel », pour la chaîne de télévision française France 2. Mais je ne pensais pas encore à un livre.
Plutôt un dossier que j’envisageais de publier dans un des media européens avec qui je collabore, comme Sud-Ouest, Libération ou la Tribune de Genève. L’idée du livre n’a émergé qu’après deux nouveaux séjours au nord du Mali, le premier en avril et mai 2012, au lendemain de la prise de contrôle de la région par les rebelles du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) et les groupes jihadistes ; le second entre août et octobre 2012.
Là, je fus au plus près de l’homme, de sa vie au nord du Mali, celle de ses proches qui, pour certains, m’ont beaucoup parlé de lui. J’ai aussi discuté longuement avec les habitants de la région.
J’ai alors compris que c’était un personnage à part. Certains de mes amis, comme le journaliste et écrivain mauritanien Mbareck Ould Beyrouk, à qui j’ai l’habitude de raconter mes voyages et mes rencontres un peu partout dans le monde, ont aussi joué un rôle décisif, dans ma décision d’écrire ce livre sur celui qui se rêve comme le Ben Laden du Sahara, d’où, d’ailleurs, le sous-titre de l’enquête.

- Dans votre livre, vous démontez la thèse qu’on croyait, pourtant, très solide, de ce que Belmokhtar était un bandit de grands chemins…

- Je travaille toujours avec ce principe : ne jamais rapporter ce dont je ne suis pas convaincu. J’ai déployé beaucoup d’énergie et de temps, pour vérifier si cette étiquette était vraie ou fausse. J’ai traversé la région de long en large, ces dernières années : de la Mauritanie au Niger, de l’Algérie au Burkina, du Sénégal à la Libye, en passant par la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Togo.
J’ai interrogé, enquêté, fouillé, partout, pour arriver à cette conclusion : Belmokhtar n’est pas un narcotrafiquant. Certes, il a fait de la contrebande. Mais c’était dans les produits alimentaires et le carburant, subventionnés en Algérie et qui se vendent dix fois plus chers dans toute l’Afrique de l’Ouest.
Il a également réalisé ou commandité des braquages dont le dernier en date fut celui de la recette douanière du port de Nouakchott. Pour moi, Belmokhtar est, avant tout, un islamiste convaincu que le jihad est la seule voie qui ramènera, au monde musulman, sa gloire d’antan et le mène, lui personnellement, vers le Paradis.
Cette réputation de trafiquant a été d’abord inventée par certains media algériens, en connivence avec les services algériens, puis elle a été reprise et amplifiée, par les services mauritaniens, avant la presse occidentale.

- Vous consacrez quelques chapitres à des actions commanditées ou effectuées en Mauritanie par Belmokhtar...

- La Mauritanie occupe une bonne partie de sa carrière jihadiste. Le livre commence, d’ailleurs, par relater la tuerie d’Aleg, la cavale ouest-africaine de ses auteurs au Sénégal et en Gambie, leur arrestation en Guinée Bissau, puis leur procès à Nouakchott.

A quelques étapes près et un peu dans le désordre, j’ai personnellement reconstitué leur périple, du lieu de l’attaque, près d’Aleg, l’escale dakaroise, la Gambie, la Casamance, etc., jusqu’à la prison centrale de Nouakchott et le palais de justice où j’ai pu, d’ailleurs, m’entretenir avec eux.
L’attentat d’Aleg, aujourd’hui largement oublié, marque, pourtant, un tournant important dans l’ouest-africain, surtout sa partie saharienne et sahélienne : c’était la première fois qu’un attentat jihadiste visait la présence française dans la sous-région. Depuis, le Sahara et une grande partie du Sahel sont devenus des interdits aux Français et Occidentaux, en général.
Le livre parle aussi de l’attaque de la caserne de Lemgheyti et ses conséquences. Un évènement qui a beaucoup aidé Belmokhtar et ses amis algériens à convaincre Oussama Ben Laden de les accepter au sein d’Al Qaïda. L’homme, qui fut déterminant dans la décision de Ben Laden, n’est autre que le mauritanien Younous Al Mouritani, arrêté plus tard au Pakistan et extradé en Mauritanie, où il est actuellement détenu.

- Depuis l’opération Serval lancée, par l’armée française, en janvier 2013, dans le nord du Mali, pour en chasser les jihadistes, Belmokhtar est introuvable. Est-il mort ?

- Quelques semaines après Serval, Belmokhtar a été donné pour mort, par l’armée tchadienne qui participait aux combats dans le nord du Mali. Mais Belmokhtar a lui-même démenti cette information, en publiant une vidéo où l’on pouvait le voir donner des instructions au commando qui allait mener la double attaque du 23 mai 2013, contre le site de la compagnie française Areva, à Arlit, et une caserne de l’armée à Agadez, au Niger.
Il est bel et bien vivant. Mais Belmokhtar est borgne et porte une œil artificiel, ce qui le rend facilement identifiable. Or, les armées française et algérienne sont très massivement installées, de part et d’autre des frontières nord du Mali. Il est donc très peu probable qu’il demeure dans ces parages ou dans le désert algérien.
Cependant, Belmokhtar a vingt ans de présence au Sahara. Il aura trouvé refuge dans une zone où il dispose de protections assurées, probablement en Libye où ses amis jihadistes contrôlent d’importantes portions du pays. C’est le plus logique.

- Garde-t-il une capacité de nuisance ?

- L’opération militaire française au nord du Mali l’a, sans aucun doute, affaibli. Mais la densité de son réseau, au Sahara et au Sahel, conjuguée à son expérience personnelle, me font dire qu’il peut toujours mener des opérations. Cela peut se passer n’importe où et n’importe quand.

- Entretient-il des liens avec l’Etat islamique du Levant ou le groupe nigérian Boko Haram ?

- Ses liens avec Boko Haram sont connus depuis très longtemps. J’ai moi-même vu des nigérians, parmi ses hommes basés, en 2012, dans la région de Gao, au Mali. Il a toujours été très proche des jihadistes nigérians. Quant à l’Etat islamique en Syrie et en Irak, même s’il n’y a pas encore de preuves, on sait que Belmokhtar a toujours eu, dans son groupe, des éléments provenant de différents pays arabes, libyens, tunisiens, marocains, égyptiens et yéménites, notamment.
Or ces nationalités sont très présentes parmi les hommes de l’Etat islamique. Il est donc vraisemblable que Belmokhtar entretienne des relations avec cette structure. Si celle-ci continue à gagner du terrain en Syrie et en Irak, je ne serai d’ailleurs pas surpris qu’il s’y rallie publiquement, au détriment d’Al Qaïda dont il se considère toujours comme un des représentants en Afrique.
Source : Le Calame
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